Optimiser l'alimentation destinée aux porcs et à la volaille
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On n’engraisse pas les cochons à l’eau claire. Parlez-en aux éleveurs du Québec :
pour obtenir 100 kg de porc, ils doivent fournir 300 kg de moulée à leurs protégés.

Dans une industrie comme l’agriculture, qui se doit d’être concurrentielle, toute amélioration à ce bilan est plus que bienvenue, car elle entraîne des économies substantielles à grande échelle.

En termes simples, la digestion, c’est la déconstruction de molécules complexes en molécules plus simples. Pour ce faire, il faut normalement une enzyme, c’est-à-dire une protéine particulière qui intervient dans la réaction pour la faciliter, mais qui demeure intacte parmi les produits finaux de la réaction. C’est donc un outil, un peu comme une paire de ciseaux, qui demeure une paire de ciseaux après avoir coupé une feuille de papier.
Les enzymes sont l’apanage du vivant. Bactéries, champignons, plantes, animaux, nous en fabriquons tous. Exemple bien connu : les enzymes que sécrètent nos organes digestifs (estomac, intestins, pancréas...) et qui défont les molécules complexes des aliments en morceaux plus petits, assimilables par l’organisme.
Mais si les animaux d’élevage n’ont pas les enzymes pour digérer la cellulose, pourquoi ne pas les leur fournir?

Ainsi, la cellulose pourra être dégradée en sucres simples assimilables par l’organisme. Ces fameuses enzymes existent déjà dans la nature.
« De nombreuses espèces de champignons sont capables de dégrader la cellulose, explique le chercheur. C’est grâce à eux que les arbres morts dans les forêts finissent par se décomposer. Sans les champignons microscopiques qui attaquent le bois et le désagrègent, le sol des forêts serait recouvert de bois mort. »
Pour réussir à dégrader la cellulose, les champignons ont donc développé par évolution les outils enzymatiques nécessaires. On les appelle cellulases.
« Par séquençage génétique, on explore le génome de nombreuses espèces de champignons et on tente de repérer les gènes les plus prometteurs pour différentes cellulases », explique le Pr Tsang.
Comme il existe différents types de cellulose, il existe aussi de nombreux types de cellulases. À la base, comme les enzymes sont des protéines, et que pour avoir une protéine, il faut d’abord un gène, chaque enzyme est codée par un gène spécifique dans le génome du champignon.

Les enzymes qui seront ajoutées à la moulée doivent être suffisamment nombreuses et variées pour avoir un spectre large et fonctionner sur tous les ingrédients retrouvés dans le mélange. Sans compter que les enzymes sont sensibles à la température et qu’il faudra qu’elles fonctionnent à la température interne des porcs et des poulets.
« L’autre défi, c’est l’acidité, continue Adrian Tsang. Les enzymes sont aussi sensibles au pH et il faut sélectionner les souches qui fonctionneront de façon optimale dans les conditions très variées rencontrées le long du tube digestif des animaux. »
Comme il existe des milliers d’espèces et de sous-espèces de champignons, il serait très long de toutes les tester une à une pour découvrir celles dont les enzymes remplissent toutes ces conditions. D’où l’intérêt de la génomique.
En séquençant et en analysant en profondeur le génome d’une soixantaine d’espèces, le chercheur et son équipe ont créé un catalogue de tous les gènes pouvant produire des enzymes d’intérêt. En présence d’un nouveau champignon, pas besoin de mener de longs tests en laboratoires pour voir ses performances, un coup d’œil aux gènes suffit!
Au final, les travaux d’Adrian Tsang et son équipe permettront de sélectionner les meilleurs gènes de champignons pour produire les enzymes d’intérêt. Ajoutées à la moulée animale sous forme de poudre ou de liquide, elles permettront d’augmenter sensiblement l’efficacité de la digestion et donc le gain de poids par les animaux.
Pour les éleveurs, cela signifie qu’ils auront moins de nourriture à leur fournir, et moins de déchets à gérer. D’autant plus qu’en augmentant la proportion de fourrage dans la moulée, les animaux auront une meilleure santé gastro-intestinale et recevront donc moins de suppléments ou de médicaments.
Beaucoup d’économies en perspective, sans compter les besoins
réduits en cultures céréalières.
Adrian Tsang

« Les enzymes sont très spécifiques», explique Adrian Tsang. « Chaque type d’enzyme a une structure qui lui permet de mener à bien une réaction chimique, et une seule. Dans notre estomac, par exemple, la pepsine est l’enzyme responsable du clivage des protéines en peptides plus petits; elle n’a aucun effet sur les glucides. Chaque être vivant produit ses enzymes spécifiques. »